Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/290

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et je sens bien qu’il ne faut pas que je reste ici plus longtemps. Descendons, monsieur, je serai bien aise de prendre l’air en attendant que votre carrosse soit prêt.

Mais, ma mère, reprit une seconde fois mademoiselle de Faro, prenez donc garde, laisserons-nous mademoiselle s’en retourner toute seule dans ce carrosse ? Et puisqu’elle veut absolument se retirer, n’êtes-vous pas d’avis que nous la ramenions, ou du moins que je prenne une de vos femmes avec moi pour la reconduire jusqu’à son couvent, ou chez madame de Miran, qui nous l’a confiée ? Sans quoi il n’y a ici que M. de Valville qui pourrait l’accompagner ; et il ne serait pas dans l’ordre qu’il partît avec elle.

Non, reprit la mère en souriant ; mais dites-moi, monsieur de Valville, j’attends compagnie ; ni ma fille ni moi ne pouvons quitter ; ne suffira-t-il pas d’une de mes femmes ? Je vous donnerai celle qui l’a habillée. Il n’y a qu’un pas d’ici à Paris ; n’est-ce pas, ma belle enfant ? Ce sera assez.

Valville, indigné d’un procédé si cavalier, ne répondit mot. Je n’ai besoin de personne, madame, lui dis-je, pleinement persuadée que cette femme de chambre qu’elle m’offrait avait parlé ; je n’ai besoin de personne.

Et c’était en sortant de la chambre avec Valville que je disais cela. Mademoiselle de Fare baissait les yeux d’un air d’étonnement qui n’était pas à la louange de sa mère.

Madame, dit Valville à madame de Fare, d’un ton aussi brusque que dégagé, mademoiselle va prendre mon équipage ; vous avez offert le vôtre, vous n’avez qu’à me le prêter pour la suivre ; l’état où elle est m’inquiète ; et s’il lui arrivait quelque chose, je serai à portée de lui faire donner du secours.

Eh ! d’où vient nous quitter ? dit-elle toujours en souriant. Qu’est-ce que cela signifie ? Je n’en vois pas la nécessité, puisque je lui offre une de mes femmes avec elle. Aime-t-elle mieux rester ? Vous savez qu’à quatre ou cinq heures il doit lui venir une voiture, que madame de Miran a dit qu’elle enverrait ; et comme elle est malade, et que j’aurai compagnie, elle mangera dans sa chambre.