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actuellement dans l’embarras ; ainsi il vaut mieux retourner chez moi.

Je crois, reprit Valville, que je vois de loin le carrosse de ma mère. Il ne se trompait pas ; et madame de Miran ne l’envoyait plus tôt qu’elle ne l’avait dit que pour avertir Valville que M. de Climal était mort.

Il reçut cette nouvelle avec beaucoup de douleur ; elle m’affligea moi-même très sérieusement ; les dernières actions du défunt me l’avaient rendu cher, et je pleurai de tout mon cœur.

Je descendis alors du carrosse de Valville, à qui je le laissai ; il renvoya l’équipage de madame de Fare, et je me mis dans celui de madame de Miran, dont le cocher avait ordre de me ramener au couvent, où j’arrivai fort abattue, et roulant mille tristes pensées dans ma tête.

Je fus trois jours sans voir personne de chez madame de Miran.

Le quatrième, au matin, un laquais vint de sa part me dire qu’elle avait été incommodée, et que je la verrais le lendemain ; et dans l’instant que je quittais ce domestique, il tira mystérieusement de sa roche un billet que Valville l’avait chargé de me donner, et que j’allai lire dans ma chambre.

Je n’ai pas instruit ma mère de l’accident qui vous est arrivé chez madame de Fare, m’y disait-il. Peut-être cette dame sera-t-elle discrète en faveur de sa fille, qui l’en aura fortement pressée ; et, dans l’espérance que j’en ai, j’ai cru devoir cacher à ma mère une aventure qu’il vaut mieux qu’elle ignore, s’il est possible, et qui ne servirait qu’à l’inquiéter. Elle vous verra demain, m’a-t-elle dit ; j’ai parlé à la Dutour, je l’ai mise dans nos intérêts ; rien n’a encore transpiré. Gardez-vous, de votre côté, je vous prie, de rien dire à ma mère. Voilà quelle était à peu près la substance de son billet, que je lus en secouant la tête à l’endroit où il me recommandait le silence.

Vous avez beau dire, lui répondis-je en moi-même, il ne sera pas généreux de me taire ; il y aura à cela une espèce