Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/312

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propreté exquise. Imaginez-vous quelque chose de simple, mais d’extrêmement net et arrangé, qui rejaillit sur l’âme, et qui est comme une image de sa pureté, de sa paix, de sa satisfaction et de la sagesse de ses pensées.

Dès que je fus seule avec cette dame, Mademoiselle, asseyez-vous, je vous prie, me dit-elle. Je pris donc un siège. On me l’avait bien dit, ajouta-t-elle, qu’on se prévient tout d’un coup en votre faveur ; il n’est pas possible, avec l’air de douceur que vous avez, que vous ne soyez extrêmement raisonnable ; toutes mes religieuses sont enchantées de vous. Dites-moi, comment vous trouvez-vous ici ?

Hélas ! madame, lui répondis-je, je m’y trouverais fort bien, si j’y étais venue de mon plein gré ; mais je n’y suis encore que fort étonnée de m’y voir, et fort en peine de savoir pourquoi on m’y a mise.

Mais, repartit-elle, n’en devinez-vous pas la raison ? Ne soupçonnez-vous point ce qui en peut être la cause ? Non, madame, repris-je ; je n’ai fait ni de mal ni d’injure à personne.

Eh bien ! je vais donc vous apprendre de quoi il s’agit, me répondit-elle, ou du moins ce qu’on m’a dit là-dessus, et ce que je me suis chargée de vous dire à vous-même.

Il y a un homme dans le monde, homme de condition, très riche, qui appartient à une famille des plus considérables, et qui veut vous épouser ; toute cette famille en est alarmée, et c’est pour l’en empêcher qu’on a cru devoir vous soustraire à sa vue. Non pas que vous ne soyez une fille très sage et très vertueuse, de ce côté là on vous rend pleine justice ; ce n’est pas là-dessus qu’on vous attaque ; c’est seulement sur une naissance qu’on ne connaît point, et dont vous savez tout le malheur. Ma fille, vous avez affaire à des parents puissants, qui ne souffriront point un pareil mariage. S’il ne fallait que du mérite, vous auriez lieu d’espérer que vous leur conviendriez mieux qu’une autre ; mais on ne se contente pas de cela dans le monde. Tout estimable que vous êtes, ils n’en rougiraient pas moins