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grand défaut. Il vaut mieux avec les hommes n’être bon qu’à une chose. » Ce qui est charmant et très bien dit. Il a aussi un chapitre sur les avantages de la vertu, et il verse dans ces pages toutes les douces sympathies de son âme. Il a écrit en ce genre de moralités, un récit assez gai : le Philosophe indigent, très aimable et très subtil philosophe, qu’il ne faut pas confondre avec un certain Pharamond, dont on n’a plus eu de nouvelles. Un autre jour il rencontre au détour d’une rue une pauvre jeune fille, en haillons, qui lui raconte ses misères, et il vient au secours de cette vertu indigente. Mais à coup sûr ce n’est pas là une fiction. Marivaux était le meilleur et le plus bienfaisant des hommes ; il avait pour devise, et cette devise-là vaut son meilleur ouvrage, que pour être assez bon il faut l’être un peu trop. Ainsi faisait-il pour sa part. Un jour, comme on répétait une de ses pièces, Marivaux fit la remarque désobligeante que la jeune soubrette manquait d’esprit et de beauté. Aussitôt voilà la pauvre enfant qui se met à pleurer. — Hélas ! dit-elle, c’est bien vrai ; mais comment faire ? Marivaux, la voyant pleurer, veut consoler cette bonne créature. Elle lui avoue alors que cette vie de coulisses et de théâtre lui fait horreur, et qu’elle serait dans une joie céleste si elle pouvait vivre et mourir dans un couvent. C’en fut assez, Marivaux dota Colombine ; si Colombine est dans le ciel à cette heure, c’est à notre poète qu’elle le doit.

Il a écrit un petit traité intitulé : Du je ne sais quoi. Le je ne sais quoi, c’est en trois mots toute l’explication de son talent. Par une singulière méprise, les éditeurs des ouvrages de Montesquieu ont attribué à Montesquieu lui-même ce traité du je ne sais quoi. En revanche, les éditeurs de Marivaux ont placé dans ses œuvres le dialogue