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ce qui s’était passé pendant son évanouissement ne me revint dans l’esprit.

Je me levai le lendemain de meilleure heure qu’à mon ordinaire, pour me rendre chez elle ; on allait la saigner ; je crus que cette saignée annonçait une maladie sérieuse, et je me mis à pleurer ; elle me serra la main et me rassura. Ce n’est rien, ma chère amie, me dit-elle ; c’est une légère indisposition qui me vient d’avoir été hier fort agitée, ce qui m’a donné un peu de fièvre, et voilà tout.

Elle avait raison ; la saignée calma le sang ; le lendemain elle se porta mieux ; et ce petit dérangement de santé auquel j’avais été si sensible, ne servit qu’à lui prouver ma tendresse, et à redoubler la sienne, que l’état où je tombai moi-même mit bientôt à une plus forte épreuve.

Elle venait de se lever l’après-midi, quand, voulant aller prendre mon ouvrage qui était sur sa table, je fus surprise d’un étourdissement qui me força d’appeler à mon secours.

Il n’y avait dans sa chambre qu’elle, et cette religieuse que j’aimais et qui m’aimait. Mademoiselle Varthon fut la plus prompte, et accourut à moi.

Mon étourdissement se passa, et je m’assis ; mais de temps en temps il recommençait. Je me sentis même une assez grande difficulté de respirer, enfin des pesanteurs, et un accablement total.

La religieuse me tâta le pouls, parut inquiète, ne me dit rien qui m’alarmât, mais me conseilla d’aller me mettre au lit, et sur-le-champ mademoiselle Varthon et elle me menèrent chez moi. Je voulais tenir bon contre la souffrance, et me persuader que ce n’était rien ; mais il n’y eut pas moyen de résister, je n’en pouvais plus, il fallut me coucher, et je les priai de me laisser.

À peine sortaient-elles de ma chambre qu’on m’apporta un billet de madame de Miran, qui n’était que de deux lignes.

« Je n’ai pu te voir ces deux jours-ci ; n’en sois point inquiète, ma fille ; j’irai demain te prendre à midi. »