Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/404

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ceci change tout ; il y a ici bien moins d’infidélité que de faiblesse, il est impossible d’en juger autrement. Ceux qui lui parlent ont plus de tort que lui ; et il est certain que ce n’est pas là un perfide, mais seulement un homme mal conseillé. J’ai cru vous faire plaisir en vous l’apprenant, et voilà toute la finesse que j’y entends. Voilà tout, mademoiselle ; je souhaiterais qu’il eût résisté à tout ce qu’on lui a dit, il en serait plus louable ; mais de dire que ni vous, ni moi, ni personne, ayons le droit de le mépriser, non ; toute la terre excusera la faute qu’il a faite ; elle ne le perdra dans l’esprit de qui que ce soit ; c’est mon sentiment ; et si vous êtes équitable, ce doit être aussi le vôtre, pour la tranquillité de votre esprit.

Je serais encore plus tranquille si cet entretien-ci finissait, lui dis-je en pleurant.

Ah ! comme il vous plaira ; il n’ira pas plus loin, me répondit-elle, et je vous assure qu’il est fini pour la vie. Adieu, mademoiselle, ajouta-t-elle en se retirant. Je ne fis que baisser beaucoup la tête, et la laissai partir.

Vous allez croire que je vais m’abandonner à plus de douleur que jamais ; du moins, comme vous voyez, m’arrive-t-il un nouveau sujet de chagrin assez considérable.

Avant cet entretien, tout infidèle qu’était Valville, je ne pouvais absolument dire que j’eusse une rivale. Il est vrai qu’il aimait mademoiselle Varthon ; mais elle n’en était pas moins mon amie ; elle ne voulait point de lui, elle m’exhortait à le mépriser aussi ; et encore une fois, ce n’était pas là une vraie rivale, au lieu qu’à présent c’en est une bien complète. Mademoiselle Varthon aime Valville, et l’aimera ; elle y est résolue, ses discours me l’annoncent ; et, suivant toute apparence, ce doit être là un renouvellement de désespoir pour moi. Je vais recommencer à pleurer sans fin, n’est-ce pas ? Point du tout.

Un moment après qu’elle fut sortie de ma chambre, insensiblement mes larmes cessèrent ; cette augmentation de douleur les arrêta, et m’ôta la force d’en verser.