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minés, Valville et moi. Le repas fini, il faisait beau, et on alla se promener sur la terrasse du jardin. La conversation fut d’abord générale ; ensuite on demanda à mademoiselle Varthon des nouvelles de sa mère ; on parla de son voyage, de son retour et de ses affaires.

Pendant qu’on était là-dessus, je feignis quelque curiosité de voir un cabinet de verdure qui était au bout de la terrasse. Il me paraît fort joli, dis-je à Valville, pour l’engager à m’y mener.

Oh ! non, me répondit-il ; c’est fort peu de chose. Mais comme je me levai, il ne put se dispenser de me suivre, et je le séparai ainsi du reste de la compagnie.

Je vous demande pardon, lui dis-je en marchant ; on s’entretient de choses qui vous intéressent peut-être, mais nous ne serons qu’un instant.

Vous vous moquez, me dit-il d’un air forcé ; ne savez-vous pas le plaisir que j’ai d’être avec vous ?

Je ne lui répondis rien ; nous entrions alors dans le cabinet, et le cœur me battait ; je ne savais par où commencer ce que j’avais à lui dire.

À propos, commença-t-il lui-même (et vous allez voir si c’était par un à propos qu’il devait m’entretenir de ce dont il s’agissait), vous souvenez-vous de cette charge que je veux avoir ?

Si je m’en ressouviens, monsieur ? Sans doute, repartis-je ; c’est cette affaire-là qui a différé notre mariage ; est-elle terminée, monsieur, ou va-t-elle bientôt l’être ?

Hélas ! non ; il n’y a encore rien de fini, reprit-il ; nous sommes un peu moins avancés que le premier jour ; ma mère vous en parlera sans doute ; il est survenu des oppositions, des difficultés qui retardent la conclusion, et qui malheureusement pourront la retarder encore longtemps.

Notez que c’étaient des difficultés faites à plaisir qui venaient de son intrigue et de celle de ses amis, sans que madame de Miran en sût rien, comme la suite va le prouver.

Ce sont des créanciers, continua-t-il, des héritiers qui nous arrêtent, qu’il faut mettre d’accord, et qui, suivant