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Madame de Miran même, qui ne se doutait de rien, lui trouva apparemment quelque chose de si dérangé dans l’air de son visage, que s’approchant de moi :

Ma fille, me dit-elle en baissant le ton, Valville me paraît triste et rêveur ; que s’est-il passé entre vous deux ? que lui as-tu dit ?

Rien dont il n’ait dû être fort content, ma mère, lui répondis-je ; et j’avais raison, il n’avait en effet qu’à se louer de moi. Je vais lui rendre sa gaîté ; j’y suis déterminée, me repartit-elle sans s’expliquer davantage ; et en ce moment nous rentrâmes tous.

Quand nous fûmes assis : Mademoiselle, me dit madame de Miran, mademoiselle Varthon est une amie devant qui on peut parler, je pense, du mariage qui est arrêté entre vous et mon fils ; j’espère même qu’elle nous fera l’honneur d’y être présente ; ainsi je ne ferai nulle difficulté de m’expliquer devant elle.

À ce début, la jeune personne changea de couleur ; elle prévit une scène où elle craignait d’être impliquée elle-même ; elle fit cependant une petite inclination de tête en remercîment de la confiance que lui marquait madame de Miran.

Mon fils, continua la dernière, vous rêvez à votre charge, et j’avais résolu de ne vous marier qu’après que vous l’auriez ; mais je ne m’attendais pas à toutes les difficultés qui vous empêchent de l’avoir ; et puisqu’elles ne finissent point, qu’on ne sait pas quand elles finiront, et qu’elles vous chagrinent, il n’y a qu’à passer par-dessus et terminer le mariage, avec la seule précaution de le tenir secret pendant quelque temps. J’ai déjà pris des mesures sans vous les avoir dites ; il ne nous faut que trois ou quatre jours. Nous partirons d’ici le soir pour aller coucher à la campagne. Madame, ajouta-t-elle en montrant madame Dorsin, a promis d’être des nôtres. Mademoiselle (elle parlait de ma rivale) voudra bien venir aussi, et le lendemain c’en sera fait.

Ici Valville retomba dans toutes les détresses où je l’avais jeté il n’y avait qu’un instant. Mademoiselle Varthon rou-