Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/429

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source ? Valville n’était-il pas des amis de cette dame ? N’allait-il pas très souvent chez elle ? Et mademoiselle Varthon renonçait-elle à y aller aussi ? Tout cet étalage de fierté et de noblesse dans son procédé n’était donc qu’une vaine démonstration qui ne signifiait rien ; et vous verrez dans la suite que je raisonnais fort juste. Mais il n’est pas temps d’en dire davantage là-dessus. Revenons à moi.

Je suis née pour avoir des aventures, et mon étoile ne m’en laissera pas manquer ; me voici un peu oisive, mais cela ne durera pas.

Madame de Miran continuait de me voir. Valville, toujours absent, ne paraissait point. Nous nous rencontrions, mademoiselle Varthon et moi, dans le couvent ; mais nous ne faisions que nous saluer, et nous ne nous parlions point.

Il ne s’était encore passé que quatre ou cinq jours depuis notre dîner chez madame de Miran, quand il me vint le matin une visite assez singulière, et il faut commencer par vous dire ce qui me la procura.

Madame Dorsin, ce matin même, avait été voir madame de Miran ; elle y avait trouvé un ancien ami de la maison, un officier, homme de qualité, d’un certain âge, et qui dans un moment va se faire connaître lui-même.

Il avait fort entendu parler de moi à l’occasion de mon aventure chez le ministre, et ne voyait jamais ma mère qu’il ne lui demandât des nouvelles de Marianne, dont il faisait des éloges éternels, fondés sur tout ce qu’on lui avait rapporté d’elle.

Le bruit de ma disgrâce s’était répandu : on savait déjà l’infidélité de Valville : peut-être lui-même, depuis que sa mère ne l’avait vu, en avait-il dit quelque chose à ses meilleurs amis, qui, de leur côté, l’avaient confié à d’autres ; et cet homme de qualité, qui l’avait apprise, n’était venu chez madame de Miran que pour être sûrement informé de ce qui en était.

Madame, lui dit-il, ce qu’on a publié de M. de Valville est-il vrai ? On dit qu’il n’aime plus cette fille si estimable, qu’il l’a quittée, qu’il ne veut plus l’épouser ? Quoi ! ma-