Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/430

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dame, cette Marianne si chérie, si digne de l’être, il ne l’aimerait plus ! Je n’ai pas voulu le croire ; ce n’est apparemment qu’une calomnie.

Hélas ! monsieur, c’est une vérité, répondit madame de Miran avec douleur, et je ne saurais m’en consoler.

Ma foi reprit-il (car madame de Miran me l’a conté elle-même), ma foi vous avez raison, il y aurait eu grand plaisir à être la belle-mère de cette enfant-là ; c’était une bonne acquisition pour le repos de votre vie. À quoi pense donc M. de Valville ? A-t-il peur d’être trop heureux ? Je laisse le reste de leur entretien là-dessus. Madame de Miran allait dîner chez madame Dorsin ; cette dernière engagea l’officier à être de la partie, et tout de suite, à cause de l’extrême envie qu’il avait de me connaître, elle ajouta qu’il fallait que j’en fusse.

Mais comme il était de fort bonne heure, que ces dames ne voulaient pas partir sitôt, et que cependant il était bon que je fusse prévenue : Je vais donc envoyer à son couvent, pour l’avertir que nous la prendrons en passant, dit ma mère.

Il est inutile d’envoyer, reprit cet officier ; j’ai affaire de ce côté-là, et, si vous voulez, je ferai votre commission moi-même ; donnez-moi seulement un petit billet pour elle, il n’y a rien de plus simple ; on ne me renverra peut-être pas. Non certes, dit ma mère, qui sur-le-champ m’écrivit :

« Ma fille, je t’irai prendre à une heure ; nous dînons chez madame Dorsin. »

Ce fut donc avec ce petit passe-port que cet officier arriva à mon couvent. Il me demande ; on vient me le dire ; c’est de la part de madame de Miran, et je descends.

Quelques pensionnaires, ce jour-là même, m’avaient dit par hasard qu’elles viendraient l’après-dînée me tenir compagnie dans ma chambre ; de façon que, malgré mes chagrins, je m’étais un peu moins négligée qu’à l’ordinaire.

Ce sont là de petites attentions chez nous, qui ne coûtent pas la moindre réflexion ; elles vont toutes seules, nous les avons sans le savoir. Il est vrai que j’étais affligée ; mais