Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/551

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encore. Ce que vous faites là est inutile, lui criai-je ; donnez-moi mes sûretés ; où logez-vous ?

Je ne vous en aurais pas moins instruite de l’endroit où je vais, me repartit-elle ; mon nom est Darneuil (ce n’était là que le nom d’une petite terre, et elle me cachait le véritable), et vous aurez de mes nouvelles chez M. le marquis de Viri, rue Saint-Louis au Marais (c’était un de ses amis) ; dites-moi à présent à votre tour, ajouta-t-elle, où je vous trouverai.

Je ne sais point le nom du quartier où nous allons, lui répondis-je ; mais demain j’enverrai quelqu’un qui vous le dira, si je ne vais pas vous le dire moi-même.

J’entendis alors madame Darcire qui m’appelait, et je me hâtai de sortir de la petite cour pour la joindre ; mon inconnue me suivit, elle dit adieu à madame Darcire, je l’embrassai tendrement, et nous partîmes.

En une heure de temps nous arrivâmes à la maison que cet homme d’affaires, dont j’ai parlé, nous avait retenue.

Comme la journée n’était pas encore fort avancée, j’aurais volontiers été chercher ma mère, si madame Darcire, qui se sentait trop fatiguée pour m’accompagner, et dont je ne pouvais prendre que la femme de chambre, ne m’avait engagée à attendre jusqu’au lendemain.

J’attendis donc, d’autant plus qu’on me dit qu’il y avait fort loin du quartier où nous étions à celui où je devais aller trouver cette mère, qu’il me tardait avec tant de raison de voir et de connaître.

Aussi madame Darcire ne me fit-elle pas languir le jour d’après ; elle eut la bonté de préférer mes affaires à toutes les siennes, et à onze heures du matin nous étions déjà en carrosse pour nous rendre dans la rue Saint-Honoré, vis-à-vis les Capucins, conformément à l’adresse que j’avais gardée de ma mère, et à laquelle j’avais écrit mes dernières lettres, qui étaient restées sans réponse.

Notre carrosse arrêta donc à l’endroit que je viens de dire, et là nous demandâmes la maison de madame la marquise de… (c’était le nom de son mari). Elle n’est plus ici,