Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/401

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Pour qui je disse une louange telle ?
Non, car vivant de son art n’en approche :
Or est il mort, Serviteur sans reproche,
Ainsi (pour vray) que mon cueur, et ma langue
Disoient d’accord si piteuse harangue,
La fiere Mort sur le Char sejournée
Sa face pasle a devers moy tournée,
Et a bien peu qu’elle ne m’a rué
Le mesme Dard, dont elle avoit tué
Celluy, qui fut la toute ronde Sphere,
Par où guettoys ma fortune prospere.
Mais tout à coup tourna sa veue oblique
Contre et devers Françoyse Republique,
Qui l’irritoit, maudissoit, et blasmoit
D’avoir occis celluy, qui tant l’aymoit.
Adonc la Mort sans s’effrayer l’escoute,
Et Republicque hors de l’estomac boute
Les propres motz contenus cy apres,
Avec sangloutz s’entresuyvants de pres.


La Republique Françoise

Puis qu’on sçait bien, ô perverse Chimere,
Que toute rage en toy se peult choisir,
Jusque à tuer avec angoisse amere
L’enfant petit au ventre de sa Mere,
Sans luy donner de naistre le loysir :
Puis qu’ainsi est, pourquoy prens tu plaisir
A monstrer plus ta force tant congneue,
Dont ne te peult louange estre advenue ?

Qui de son corps la force mect en preuve,
Devant ses yeux los, ou gain luy appert :
Mais en l’effect, où la tienne s’espreuve,
Blasme pour los, perte pour gain se treuve :
Chascun t’en blasme, et tout le Monde y pert :
Perdu nous a l’homme en conseil expert,