Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/412

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Dedans son creux avec ses Sœurs, et Filles
Dames des eaues les Naiades gentilles :
Mais bien à coup ses esbatz se perdirent,
Car les Poissons en leur langue luy dirent,
Comment la Mort, qu’ilz avoient rencontrée,
Avoit occis quelcun de sa Contrée.
Le Fleuve Loyre adonc en ses espritz
Bien devina que la Mort avoit pris
Son bon Voisin : dont si fort lamenta,
Que de ses pleurs ses undes augmenta :
Et n’eust esté qu’il estoit immortel ;
Trespassé fust d’ouïr ung remors tel.
Ce temps pendant la Mort fait ses exploictz
De faire entrée en la Ville de Bloys,
Dedans laquelle il n’y a Citoyen,
Qui pour fuir cherche lieu, ne moyen,
Car du defunct ont plus d’amour empraincte
Dedans leurs cueurs, que de la Mort n’ont craincte.
De leurs maisons partirent Seculiers,
Hors des Convens sortirent Reguliers,
Justiciers laisserent leurs practiques :
Gens de labeur serrerent leurs Bouticques :
Dames aussi, tant fussent bien polies,
Pour ce jour là ne se feirent jolyes.
Toutes, et tous, des grans jusque aux menuz,
Loing au devant de ce corps sont venuz :
Sinon aucuns, qui les Cloches sonnoient,
Et qui la Fosse, et la Tumbe ordonnoient.
Ses Cloches donc chascune Eglise esbranle
Sans carrilon, mais toutes à grand bransle
Si haultement que le Ciel entendit
La belle Echo, qui pareil son rendit.
Ainsi receu ont honorablement
Leur Amy mort, et lamentablement
L’ont amené avec Croix, et Bannieres,
Cierges, Flambeaulx de diverses manieres
Dedans l’Eglise au bon sainct Honnoré :