Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/411

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Et à regret ce Chariot soustient.
Là dessus est la Mort maigre, et villaine,
Qui de sa froide, et pestifere alaine
L’air d’entour elle a mis en tel meschef,
Que les Oyseaulx, vollans dessus son chef
Tumbent d’enhault, et mors à Terre gisent :
Excepté ceulx, qui les malheurs predisent.
Bœufz, et Jumens courent par le Pays,
De veoir la Mort grandement esbays.
Le Loup cruel crainct plus sa face seulle,
Que la Brebis du Loup ne crainct la gueulle.
Tous Animaulx de quelconques manieres
A sa venue entrent en leurs Tasnieres.
Quand elle approche ou Fleuves, ou Estangs,
Poulles, Canardz, et Cignes là estants,
Au fons de l’eaue se plongent, et se cachent,
Tant que la Mort loing de leurs rives sachent.
Et s’elle approche une Ville, ou Bourgade,
Le plus hardy se musse, ou chet malade,
Ou meurt de peur. Nobles, Prebstres, Marchans
Laissent la Ville, et gaignent l’air des Champs :
Chascun faict voye à la Chimere vile,
Et quand on voit, qu’elle a passé la Ville,
Chascun revient. Lors on espand et rue
Eaue de senteurs, et Vinaigre en la rue.
Puis es Cantons feu de Genevre allument,
Et leurs Maisons esventent, et parfument,
A leur pouvoir de leur Ville chassant
L’air, que la Mort y a mis en passant.
Tant fait la Mort, qu’aupres de Bloys arrive,
Et costoyoit jà de Loyre la rive,
Quand les Poissons grands, moiens, et petitz
Le hault de leaue laisserent tous crainctifz,
Et vont trouver au plus profond, et bas
Loyre leur Dieu, qui prenoit ses esbatz