Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/28

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amour de la liberté, que dès l’enfance il avait senti frémir en lui ? Plusieurs années après avoir « secoué le joug de la domination paternelle », il ne pouvait s’éveiller la nuit « sans un mouvement de joie à l’idée qu’il ne dépendait plus de personne[1] ». Est-ce Lassay que nous entendons ici ? ou René ? Ce n’est pas le moindre charme de ces confidences que de nous faire entrevoir en cette âme du xviie siècle des coins, déjà, de romantisme.

Mais venons-en à ses amours, puisqu’aussi bien c’est à l’amour qu’il a demandé — et souvent — une diversion à ses ennuis. De fait, il était de ceux sur qui « un bel œil est bien fort », et il ne cherchait pas, comme Polyeucte, à résister à cet attrait, persuadé que Dieu est trop bon pour défendre à ses créatures la jouissance des trésors qu’il met à leur portée. Morale que les Bossuet et les Bourdaloue ne laissent pas de réprouver, mais qui a pour elle de bien séduisants casuistes, et qui s’accordait trop bien avec ses inclinations pour qu’il ne la mît pas en pratique. Faut-il même croire, sur la foi de certaines chansons malignes, que, non content d’avoir ses intrigues à lui, il accepta de remplir auprès de Monsieur le Duc l’emploi peu reluisant de mercure[2] ? Il y a heureusement dans sa vie des endroits moins scabreux et mieux éclairés.

C’est vraiment une jolie page que celle de son amour pour Marianne Pajot. Il a raconté lui-même comment la belle et sage Marianne, encore qu’elle ne fût qu’une petite bourgeoise,

  1. Voir infra, p. 225.
  2. Voir notamment un couplet du Nouveau Siècle de Louis XIV (IV, p. 143), cité par De Boislisle. (Saint-Simon, XX, p. 355, note 6). M. Servois reconnaît une allusion à Lassay dans La Bruyère : Mercure est Mercure, et rien davantage. (Caractères, II, p. 319-320).