Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/30

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ait, non seulement de la dot de sa première femme, mais encore du bien de sa mère[1]… En revanche il y gagna cinq ans d’un bonheur sans nuage, dont il devait garder toujours un souvenir attendri.

C’est une autre question de savoir si la légèreté de son caractère — dont il ne donna bientôt que trop de preuves — se fût accommodée beaucoup plus longtemps d’un tel exil. Il est permis d’en douter. On lit dans les Lettres galantes de Fontenelle deux lettres adressées à Monsieur de Lass…, l’une « sur un homme qui se retirait pour toujours à la campagne avec une femme dont il était fort amoureux et qu’il venait d’épouser », la seconde, au même, « sur le retour de cet homme à Paris ». « Quoi ! parce qu’il a surmonté tous les obstacles qui s’opposaient à son mariage et qu’il est enfin possesseur de la belle… il va rompre avec le monde et s’enfuir à la campagne !… Il ne songe pas qu’une solitude où il sera continuellement avec ce qu’il aime, sans aucune distraction, usera sa passion en moins de rien… » En effet, deux mois après, l’amoureux est à Paris, et à la comédie, sans sa femme, et on le soupçonne déjà de « refroidissement » : « Il ne se sert que par habitude de ses anciennes expressions » [2]. Cet homme ne peut être que Lassay lui-même.

Et je conclurais volontiers de là que Marianne, heureuse jusqu’au bout, mourut à temps pour ne pas voir les cendres de l’amour qu’elle avait inspiré, et pour que l’imagination de celui qui l’avait aimée trouvât dans son souvenir un charme que n’avait plus pour lui sa présence…

Toujours est-il que, lorsque Marianne à son tour mourut prématurément (1681), la douleur de Lassay fut telle qu’il

  1. Recueil, I, p. 292 (date : 1676).
  2. Lettres galantes, 2e pie, lettres 47 et 48 (Œuvres, éd. 1724, II, p. 537-540).