Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/38

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dix mille livres de rente[1]. Enfin le mariage eut lieu[2]. Hélas ! déjà le pauvre Lassay savait à quoi s’en tenir sur l’humeur capricieuse de sa jeune femme[3]. Dira-t-on qu’il avait quarante-trois ans bien sonnés, qu’il avait passé l’âge d’Arnolphe ? mais Julie en avait à présent vingt-huit : elle n’était pas une Agnès ; et elle devait prouver bientôt qu’un vieux galant n’était pas pour lui déplaire. D’où venait donc ce changement ? Il n’est pas difficile de le conjecturer. Est-il si rare qu’une femme qui trouva des mérites à un soupirant romanesque se fatigue de sa présence quand il n’est plus qu’un mari ? D’autre part, — mais ici encore laissons parler Fontenelle : une jolie page des Lettres galantes nous paraît expliquer lumineusement ce qui ce passa : « Vous aimez et vous êtes aimé — écrit le chevalier d’Her*** à un autre amant transi — : mais vous avez une sorte de tendresse si propre à faire finir bien vite celle que l’on a pour vous que je vous assure que vous ne serez pas aimé dans deux mois. Vous ne perdez pas de vue votre maîtresse, vous ne la quittez pas un moment… ; pendant des journées entières que vous la voyez, vous ne lui parlez que de votre amour, et vous lui en parlez d’une manière toujours languissante et passionnée. La dame a présentement des forces pour vous suivre ; mais vous aurez bientôt épuisé tout ce qui est dans son cœur, et vous serez tout étonné qu’il ne lui fournira plus rien pour vous… »

Et plus loin : « Quelque plaisir qu’on prenne à entendre le détail de vos sentiments, il est impossible que vous ne tombiez dans une infinité de redites, et les redites ont un droit d’ennuyer qu’elles ne perdent jamais… Mettez-vous dans

  1. Dangeau, 28 mai 1695, 18 février 1696.
  2. Id., 2 et 5 mars 1696.
  3. Voir infra, p. 150 sq.