Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’esprit que les femmes veulent qu’on les aime, mais en même temps qu’on les divertisse, et que qui fait l’un sans l’autre ne fait presque rien… La langueur a ses usages ; mais quand elle est perpétuelle, c’est un assoupissement… » [1].

Quel dommage que Lassay-Nicandre n’ait pas lu de plus près la lettre à M. le C. D. L. R. ! Il se fut gardé de la « langueur » > ; il eût évité les « redites » que l’on retrouvera dans ses lettres à Julie de Chateaubriant, — et il n’eût pas eu le désagrément de voir Madame de Lassay lui préférer le sexagénaire Chaulieu, plus expert en l’art de « divertir » [2], — Chaulieu qui peut-être trouva spirituel de se venger sur le père d’avoir été sacrifié au fils par Mme d’Aligre de Boislandry[3].

Lassay, comme bien on pense, fut outré. Mais ses plaintes, là encore, ne servirent de rien, et, ne pouvant chasser pour ses débordements — comme dit Corneille d’une autre Julie — une fille de Monsieur le Prince, force lui fut d’opposer aux coups de la fortune une patience dont il semble qu’on ne lui sut même pas gré. Mme de Caylus nous a conservé la mordante repartie de Mme de Lassay à son mari, un jour qu’il affirmait que Mme de Maintenon n’avait pas été la maîtresse de Villarceaux : « Hé ! comment faites-vous, Monsieur, pour être sur de ces choses-là ? [4] » — La séparation nécessaire se fit peu à peu, sans esclandre. Lassay fut magnanime,

  1. Lettres galantes, 1re pie, lettre 21 (Œuvres, 1724, II, p. 383-5).
  2. Voir, dans les Œuvres de Chaulieu, ses nombreuses lettres, en prose et en vers, à « Madame la marquise de Lassay ».
  3. Voir dans Chaulieu (éd. 1750, II, p. 280) son épître « au nom de Mademoiselle de la Force, à Madame d’Aligre de Boislandry, qui avait quitté l’abbé de Chaulieu pour le marquis de Lassay, alors fort jeune ». Date : vers 1699. (Servois, éd. de La Bruyère, II, p. 322-337.)
  4. Souvenirs de M. de Caylus, éd. de Lescure, 1873, p. 123.