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chacun la patrie absente et les fêtes plus brillantes mais aussi plus maniérées de la métropole. On causait, on lisait[1], on faisait de la musique. Dupleix lui-même était un bon exécutant ; il avait jadis apporté de France une basse de viole et il en jouait souvent. Avec des musiciens achetés à Chinsura, il avait créé une sorte d’orchestre que dans sa correspondance il qualifie de symphonie[2].

« Nous tâchons de nous divertir, écrivait-il à Pondichéry le 19 décembre 1785 à M. de Saint-Georges, commandant du Triton, et nous avons établi une chevalerie dont vous entendrez parler. Elle nous procure des assemblées où l’on se réjouit à merveille, mais nous ne recevons dans cet ordre que gens dont l’humeur convient à la Société. Tout autre en est expédié. Ainsi voyez si vous convenez. L’on pourra, à ma considération, vous passer bien des choses, et si vous ne pouvez venir vous-même pour être reçu, je vous promets, aussitôt que vous aurez passé votre supplique, que l’on vous enverra la croix, les brevets et les statuts[3]. »

  1. Dupleix se tenait au courant des dernières publications en France. Il se faisait envoyer les bons livres nouveaux dont il voyait les comptes-rendus dans le Mercure et se plaisait à la lecture des gazettes même anglaises, qu’il se faisait traduire.

    Entre autres ouvrages scientifiques, il se fit envoyer celui de Réaumur sur les insectes. Lui-même se livrait à des recherches se référant aux phénomènes de la nature. Pendant trois ans, il tint un journal des chutes de pluies au Bengale, puis l’envoya à l’abbé Pluche, auteur du Spectacle de la Nature ; il se trouva que leurs théories sur la formation des pluies par l’évaporation des mers concordaient absolument.

    Amateur d’estampes, il demanda à son frère de lui procurer un recueil en quatre volumes du prix de 800 livres renfermant plus de six cents estampes, publié chez Julienne aux Gobelins. Il écrivit à Delhi pour avoir des miniatures sur papier faites à Agra, représentant « les rois mogols, les seigneurs, les dames et plusieurs autres choses de cette nature, tant à nu qu’habillés. »

  2. Le chef de cette musique était un nommé Laurent Woest, né à Bruxelles, et mort subitement le 21 juin 1739, à l’âge de 31 ans.
  3. Ars. 4743, p. 59.