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étrangers comme le demandait sa situation. Le 31 janvier 1733, la Compagnie porta ses appointements de 4.000 à 5.000 livres par an : ce n’était même pas une augmentation de 25 roupies par mois. L’avantage restait toujours aux étrangers[1].

Mais ses principaux hôtes étaient les employés et notables de Chandernagor et les capitaines des vaisseaux d’Europe. Chacun était reçu avec cordialité ; quelques-uns cependant plaisaient de préférence. Pour avoir quelque raison de les réunir de façon plus intime, Dupleix eut l’idée de créer sous une apparence plus badine que sérieuse une chevalerie sui generis, dont il établit lui-même les statuts. On n’était admis que si l’on plaisait. Les femmes n’étaient pas exclues et l’on s’appelait mutuellement frères et sœurs sans aucune cérémonie.

Les heures passées dans ce cercle faisaient oublier à

  1. Nous n’avons aucun détail sur ses réceptions, mais il est aisé de les reconstituer, au point de vue matériel tout au moins. Le pays fournit tous les aliments nécessaires à une table bien garnie depuis les poissons de mer et ceux du fleuve jusqu’au gros bétail et au gibier le plus fin, bécassines et canards sauvages. On a sans trop de peine la plupart des légumes d’Europe et ceux du pays s’ajoutent par surcroît. Les fruits seuls sont propres à la région ; on ne pouvait comme aujourd’hui faire venir de l’Afghanistan et du Cachemire les pommes, poires et raisins qui foisonnent sur le marché de Calcutta. On demandait à la France des olives de Provence, de l’huile, des anchois ; en raison de la longueur des traversées, c’étaient à peu près les seuls objets d’alimentation qu’elle put envoyer. Un cuisinier habile — et les Indiens ne sont pas maladroits — tirait heureusement parti de ces éléments divers. Les liquides venaient également de France. Dupleix lui-même en faisait peu de cas ; il n’était pas porté pour la bonne chère et les bons vins autrement que par nécessité pour ainsi dire professionnelle. Noblesse oblige et représentation également. Son frère et parfois Duvelaër, directeur à Lorient, lui envoyaient du Champagne et du Bourgogne que les Français de l’Inde préféraient aux vins du Rhin, du vin de Pakarète et de Côte Rôtie et différentes liqueurs dont le parfait amour, liqueur sans doute exquise, si l’on on juge par le nom et l’insistance de Dupleix à en demander. (B. N. 8979, p. 13-65 ; 8982, p. 16).