Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La faiblesse de Burat, qui ne sut même pas faire un procès aux déserteurs et renvoya l’affaire à la Compagnie, n’eut pas toutes les conséquences graves que Dupleix paraissait redouter ; les Maures ne cherchèrent point à nous faire quitter le pays, comme ils avaient fait pour les Impériaux ; leur intérêt était de nous conserver comme contribuables et surtout comme corvéables ; mais ils nous réclamèrent une somme de 45.000 roupies et ils se retournèrent de même du côté des Anglais et des Hollandais, qui avaient fourni plus de déserteurs encore à la petite troupe de Schonamille.

Nous n’avions pas d’argent ; il nous fallut emprunter. Notre grand préteur, Fatechem ou Jogot Chet, le plus puissant banquier du Bengale, venait de mourir. Quoiqu’il eut souvent usé de son crédit pour nous imposer des conditions léonines, il ne nous était pas hostile et son autorité auprès du nabab, qui lui devait son élévation, avait plusieurs fois servi nos intérêts. Son neveu et successeur, encore très jeune, Chet Matabray, n’avait pas eu le temps d’acquérir la même influence ; il ne put nous dispenser de payer les 45.000 rs., réclamées par Aliverdi Khan[1]. Mais il nous prêta l’argent.

Cependant les Marates étaient revenus en 1744. Ils

  1. La somme s’éleva en réalité à 53.000, dont 45.000 pour le nabab, 5.000 pour son neveu le petit nabab, et 3.000 pour frais de visite. Fournier, chef de Cassimbazar, fit tout ce qu’il put pour différer le paiement ; il escompta un moment la révolte de Mustapha, l’un des généraux d’Aliverdi Khan, mais cette révolte apaisée, les exigences du nabab n’en furent que plus impératives et nous dûmes nous exécuter. Pour récupérer une partie de cette somme, nous levâmes une contribution extraordinaire de 25.000 rs. sur les Indiens de Chandernagor.

    Notons en terminant que Chet Matabray continua de s’appeler Jogot Chet : ce dernier nom étant un titre conféré en 1722 par le Mogol plutôt qu’un nom véritable : il signifiait banquier du monde.