Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/131

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tant il est vrai que quelque fois le commerce et le patriotisme ne se concilient pas.

« Nous vous exhortons, écrivit Dupleix aux conseillers de Chandernagor, à être extrêmement en garde contre les nouveautés de cette espèce, dans lesquelles trop souvent l’intérêt particulier est couvert du prétexte spécieux du bien du service… Quel moyen y aura-t-il de rétablir les choses, lorsque le temps fera sentir le mal qui doit nécessairement résulter de ce qui vient de se passer ? le repentir viendra trop tard, le mal sera sans remède et la confiance entièrement perdue[1]. »

La situation des Anglais n’était guère meilleure. En 1745, ils ne reçurent aucun vaisseau d’Europe. Ils avaient contracté pour 22 lacks de roupies, mais ils en devaient 40 et payaient des intérêts considérables. Comme ils étaient maîtres de la mer, ils pouvaient néanmoins continuer comme à l’ordinaire leur commerce d’Inde en Inde, sans courir les moindres risques.

Un fléau résultant de la guerre, la famine, s’abattit sur le pays en mars 1745 ; elle se fit si cruellement sentir que nous dûmes un instant renoncer à la perception de certains impôts. Mais elle fut moins redoutable encore que la peste qui éclata en juin et dura jusqu’à la fin de juillet. À Chandernagor, il ne mourut pas moins de 150 personnes par jour, et l’on vit des parents vendre leurs enfants pour une poignée de riz.

Ces calamités ou alarmes sans cesse renaissantes avaient fini par rendre de peu d’utilité l’existence de nos comptoirs secondaires. Dans les circonstances où se trouvait la Compagnie, ils lui étaient plutôt devenus une charge, puisqu’on n’y pouvait faire aucun commerce. Après 1745, où nos bots et nos pilotes furent pris par les

  1. C. P. Ch., t. 2. p. 391 et 414. Lettres des 23 août 1745 et 18 mars 1746.