Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/252

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La situation du reste n’était pas tout à fait la même au Bengale qu’à Coromandel ou à Malabar. Au Bengale, tous les établissements européens se trouvaient sur le Gange à une grande distance de la mer, et, d’après des ordres du nabab en vigueur depuis cinquante ans, ils ne devaient point se faire la guerre en ses états ; par conséquent, la navigabilité du Gange restait entièrement libre. Le problème de la neutralité se posait pour la mer seulement. Mais où s’arrêtait la navigabilité du Gange ? D’après les Français, il fallait, pour qu’elle ne fut pas un vain mot, qu’elle s’étendit au delà de la rade de Balassor, où l’on prenait les pilotes pour remonter le fleuve et qu’elle allât jusqu’à la Pointe des Palmiers, c’est-à-dire à cinquante kilomètres environ le long de la côte ; les Anglais soutenaient au contraire qu’elle s’arrêtait aux bouches mêmes du fleuve. Le nabab, invité à résoudre le différend, partagea la thèse française et pour l’appuyer, il renouvela, en juillet 1745, aux trois nations européennes l’ordre de ne commettre aucun acte d’hostilité les unes contre les autres et, en ce qui concernait la navigabilité du Gange, de respecter les franchises observées de tout temps par elles dans la rade de Balassor, jusqu’à la Pointe des Palmiers. Mais, on le verra bientôt, ce n’était pas une volonté ferme ; elle pouvait aisément fléchir devant des considérations d’argent et l’on sait combien les Anglais sont passés maîtres dans l’art de manœuvrer les consciences (Cor. P. Ch., t. 2, p. 350).

C’est dans ces conditions, c’est-à-dire dans l’espérance de voir la paix se maintenir dans l’Inde, que Dupleix répondit par un refus courtois le 1er décembre 1744 aux deux lettres de la Bourdonnais, lui offrant de participer à une guerre de course lointaine et hasardeuse. « Il faut attendre, lui dit-il, que les Anglais soient les agresseurs,