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§ 1er.

La paix régnait à peu près dans toute la péninsule ; seuls les Marates se préparaient à envahir le Bengale, mais si inquiétants qu’ils fussent pour nos comptoirs du nord, nos principales craintes venaient d’Europe. L’Angleterre qui depuis 1739 était en guerre avec l’Espagne et se disposait, selon toute apparence, à intervenir contre nous dans la guerre de succession d’Autriche, pouvait transporter ses opérations aux colonies : que deviendrait alors notre commerce ?

Cette double menace entretenait partout un certain malaise. Aucun État n’était capable d’imposer la paix à qui voudrait la troubler. L’empire mogol, qui, récemment encore, pouvait jouer ce rôle modérateur, n’avait plus aucune puissance véritable. L’empereur Mohamed-Cha, suzerain nominal de toute la péninsule, arrivé au pouvoir en 1719, ne s’était pas relevé du coup qui lui fut porté vingt ans plus tard par le roi de Perse, Nadir-Cha, et les nababs ou rajahs qui jusqu’alors lui étaient restés soumis, avaient réduit le lien de vassalité à la fragilité d’un fil qui ne les incommodait plus. À ce moment, ses deux plus grands feudataires, Nizam oul Moulk dans le Décan et Aliverdi Khan au Bengale, devinrent en fait des souverains indépendants et plus près de Delhi, la soubabie d’Oudh, constituée en 1715 au profit de Sadet Khan, gouverneur d’Agra, conquit son autonomie sous son successeur Safder Khan. Mohamed Cha avait assisté, sans jamais essayer de réagir, à cet émiettement de son autorité ; héritier d’une dynastie qui remontait à plus de deux siècles et qui fut pendant ce temps l’une des mieux ordonnées de l’Asie et peut-être du monde, il avait comme le sentiment que les sociétés aussi bien que les