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ne lui était ni défendu ni ordonné par le ministre. Pour le faire réussir, Dupleix rassembla en secret les matériaux et approvisionnements nécessaires à l’expédition et si de fâcheux contretemps n’avaient retenu la Bourdonnais aux Îles huit à dix mois de plus qu’il ne l’eût voulu, la grande affaire eut pu être entreprise et réussir dès la fin de 1745.

Mais passons sur ces retards malencontreux. Voilà enfin les acteurs en scène ; leur intérêt non moins que l’honneur de la nation leur commandait de concilier leurs rôles et leur correspondance la plus récente ne laissait présager aucun désaccord, aucune rivalité. Mais hélas ! cinq jours ne s’étaient pas passés depuis le débarquement de la Bourdonnais que tout, même la claire vision de leur mission, cédait sous l’impétuosité de leur nature et les susceptibilités de leurs caractères.

Le 14 juillet, la Bourdonnais allant à Oulgaret se plaignit qu’en passant à la porte de Villenour, on ne lui eut pas rendu les honneurs dus à un gouverneur ; pour lui donner satisfaction, Dupleix fit mettre en prison l’officier qui commandait le détachement, mais il pensait en lui-même que la Bourdonnais était trop présomptueux, en exigeant d’être traité à terre comme le gouverneur lui-même ; il lui reprochait encore de se donner dix-huit gardes du corps à cheval, de faire sonner de la trompette et de faire battre la grosse caisse, quand il était à dîner. Ainsi, dit Ananda, Dupleix et la Bourdonnais étaient au fond du cœur jaloux l’un de l’autre, bien qu’au dehors ils affectassent toutes les apparences de l’amitié (Ananda, t. 2, p. 120-123).

Le lendemain, la Bourdonnais crut devoir passer en revue, en face de lu maison de Dupleix, une partie de ses hommes qu’il avait fait descendre à terre et s’y fit rendre