Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/281

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les mêmes honneurs qu’au gouverneur en fonctions. Celui-ci fit semblant de dormir, pour n’avoir pas à se composer une attitude, et la parade terminée, reçut la Bourdonnais comme si rien ne s’était passé. Mais, continue de nous dire Ananda, on voyait bien qu’ils ne pouvaient se supporter l’un l’autre.

Dupleix était fâché que la Bourdonnais ne voulut pas se considérer comme son subordonné. La Bourdonnais pensait de son côté qu’il avait les mêmes droits que le gouverneur et qu’ayant par surcroît la charge des opérations militaires, il n’était pas tenu d’avoir pour lui des égards particuliers. Tout cela entraînait entre eux peu de cordialité et, concluait Ananda avec une sorte de pressentiment, que va-t-il en résulter ? (Ananda, t. 2, p. 123-124).

Dupleix ne savait pas suffisamment garder ses impressions ; c’était son moindre défaut. Deux jours après, il disait à Ananda et sans doute à d’autres personnes en des conversations privées que la Bourdonnais était un homme étrange, d’un caractère ingouvernable, un bavard, un imposteur. Les injustices qu’il avait commises à Mascareigne avaient incité les habitants à se plaindre en France. Il allait être exécuté ; mais grâce à la chance qui semblait s’attacher à lui, il était parvenu à en sortir indemne en faisant de gros présents à M. de Fulvy, trop accessible aux pots-de-vin. Avec une escadre de sept navires il s’était vanté de subjuguer l’Arabie ; il ne réussit pas et ce fut une perte sérieuse pour la Compagnie. Dupleix ajouta d’autres paroles de mépris et termina par une accusation plus grave. L’opinion, dit-il, de tous les officiers qui ont accompagné la Bourdonnais est que l’escadre anglaise ne lui a échappé que par sa négligence ; il aurait pu la prendre toute entière. C’est ce qui ressortait de toutes les déclarations individuelles. La Bourdonnais expliquait à la