Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 2.djvu/40

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rable de laisser opprimer par les Hollandais un roi qui avait mis en nous toute sa confiance.

Il se résolut donc à accepter tout au moins les propositions du roi de Travancore, sauf à repousser par la force les Hollandais, s’ils persistaient à nous contester le droit de nous installer dans une ville qui ne leur appartenait pas. Il comptait en conséquence faire toucher le Phœnix à Colèche en allant à Mahé au début de 1741, pour y arborer notre pavillon et y laisser un détachement de 200 hommes. La Compagnie déciderait ensuite si elle jugeait à propos de rester dans le pays.

C’était une manière subtile de l’amener à reconnaître le fait accompli. Dumas n’avait pas agi autrement à Karikal et il avait réussi ; il comptait sans doute avoir le même succès au Travancore. L’art d’engager ainsi l’avenir est plus habile que hardi, mais c’est encore le meilleur pour les hommes qui ont de grands desseins, dont l’exécution dépend de volontés étrangères. Faute de l’avoir suffisamment compris, Dupleix engagera la Compagnie dans des aventures et y trouvera les causes de sa chute et de sa disgrâce.

Mais il était écrit qu’avec ou sans l’assentiment de la Compagnie, on n’irait pas à Colèche. Au moment où Dumas se préparait — novembre 1740 — à faire passer le Phœnix à la côte Malabar, il apprit que la guerre venait d’éclater entre le Conseil de Mahé et Bayanor, le souverain du pays ; cette guerre, qui menaçait d’être longue, allait occuper toutes nos forces et l’expédition de Colèche, comme celle de Ponatour, fut à jamais abandonnée. Dupleix lui-même ne reprit point cette idée de son prédécesseur ; du moins il ne voulut pas la réaliser sans l’autorisation de la Compagnie, et cette autorisation lui fut refusée.