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Les capitaines appareillèrent en effet sur-le-champ, mais ce fut pour aller au-devant de la Bourdonnais :

« Qu’il vous plaise de considérer, écrivirent-ils en partant, que nos représentations sont justes et que notre escadre est bien inférieure en artillerie et en tout à celle de M. Peyton ; raisons qui nous engagent à aller trouver M. de la Bourdonnais, s’il est possible, ou revenir ici après l’hivernage, si nous ne le rencontrons pas. » (Mémoire, n° 197).

Ils le rencontrèrent le surlendemain 26 à peu de distance de Pondichéry. Un littérateur seul pourrait essayer de décrire les impressions qu’ils échangèrent. Mais nous supposons qu’à ce moment une alternative redoutable dut se poser à l’esprit de la Bourdonnais. Presque toute l’escadre de l’Inde était réunie autour de lui ; s’il eût voulu l’emmener tout entière aux Îles sans toucher à Pondichéry, chaque capitaine l’eût suivi sans murmurer et c’eût été le plus beau triomphe qu’il pût rêver des prétentions de Dupleix ; mais quelle responsabilité si, faute de cette escadre, nos établissements tombaient entre les mains des Anglais ! La logique lui commandait de transiger et même de capituler ; il le fit avec infiniment de dignité :

« Si l’envie de commander me dévorait, écrivit-il le même jour au Conseil, ainsi qu’on cherche à le faire penser, je prendrais le parti qui me conviendrait, puisqu’ils (les capitaines) sont du sentiment de suivre mes ordres ; mais je fais honneur dans cette occasion de sacrifier tous mes droits et mon amour-propre au bien de l’État et de la Compagnie. Vous voulez commander jusques aux vaisseaux ; j’y consens et pour vous montrer mon zèle pour le vrai bien, je vais suivre votre plan, en tâchant moi-même de gagner Achem… Si je peux m’y raccommoder, je reviens avec vos cinq vaisseaux et je ferai tout ce que je pourrai pour l’honneur de la nation, en suivant même