Page:Marty - Les principaux monuments funéraires.djvu/14

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plus hautes distinctions. Là, le néant des grandeurs met le prolétaire au niveau de l’homme opulent, la seule différence n’existe réellement que dans le marbre et l’épitaphe dorée qui brille sur la tombe de ce dernier, et la modeste croix en bois noirci plantée sur la fosse du premier ; un épais feuillage abrite également leur dernière demeure, l’odeur suave qui s’exhale de mille fleurs qui les environnent y parfume le même air.

Ainsi cette amélioration, si essentielle dans nos mœurs, en détruisant d’antiques préjugés, a produit sur la population de la capitale un effet miraculeux : le séjour des morts, qui par sa tristesse et son insalubrité lui inspirait une invincible horreur, transformé depuis en un vaste Élysée où la nature et l’art prodiguent leurs richesses, est devenu pour elle une promenade pleine d’attraits ; elle visite familièrement ces asiles du trépas dont autrefois elle redoutait l’approche ; elle contemple les tombeaux et surtout leurs inscriptions, dont la plupart offrent de belles pages de l’histoire, de salutaires exemples, et des leçons d’une morale pure, avec le plus touchant intérêt et le plus profond recueillement.

Ces lieux, qui renferment les restes de la population moderne exposés au culte respectueux de la génération nouvelle, sont l’image d’une nouvelle vie : dans ces parterres émaillés de fleurs qui précèdent ou entourent les monumens, plus d’une épouse, que la mort n’a pu séparer d’un époux adoré, vient fréquemment s’asseoir près de sa tombe, sur le banc qu’elle a fait construire, et par une conversation muette qui n’en exprime pas moins toute sa pensée, elle semble s’entretenir avec lui pendant plusieurs heures. C’est là qu’une tendre mère arrose de ses pleurs le tombeau d’un fils qu’une mort prématurée lui a enlevé ; qu’un fils respectueux vient rendre hommage à la mémoire de son vertueux père ; qu’une fille inconsolable baigne de ses larmes des couronnes d’immortelles qu’elle place sur la sépulture de sa mère ; enfin chacun y honore l’objet de ses affections et s’acquitte avec vénération de ce tribut de la nature et du cœur.

Le plus vaste des cimetières, et celui qui contient le plus grand nombre de monumens remarquables, c’est celui du Père Lachaise. En 1805, on n’y comptait que quatorze pierres tumulaires, parmi lesquelles était placée celle qui désignait la sépulture d’Arnaud Baculard, littérateur distingué, auteur des Épreuves du Sentiment et du Comte de Comminges. Le premier monument en marbre qui y parut fut érigé à la mémoire de M. Lenoir-Dufrêne, célèbre manufacturier, décédé en 1806, et la première chapelle y fut construite dans le même temps, et consacrée à la sépulture de la famille Greffulhe.