Page:Marty - Les principaux monuments funéraires.djvu/38

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foule aux pieds ce sépulcre, qui n’a ni entourage ni inscription, et qui renferme néanmoins les restes de celui qui avança quarante millions aux insurgens des États-Unis d’Amérique ; qui, par ses Mémoires pleins d’une mordante ironie, fit crouler le parlement du chancelier Maupeou ; qui fut l’écrivain le plus caustique et le plus spirituel de la fin du dix-huitième siècle, et dont les immortels ouvrages sont journellement couverts d’applaudissemens sur la scène française. Certes, on aura peine à croire que cet asile abandonné est la dernière demeure de l’auteur du Barbier de Séville, du Mariage de Figaro, enfin du célèbre Caron de Beaumarchais !

Nous avons promis d’analyser les plus simples m o nu mens : c’est pour remplir la tâche que nous nous sommes imposée, et pour rendre hommage à la mémoire de ce grand écrivain, que nous allons esquisser quelques traits historiques de sa vie.

Beaumarchais (Pierre-Augustin Caron de) naquit à Paris, le 24 janvier 1732. Son père, qui était horloger, le destinant au même état, voulut qu’il joignît aux études littéraires celles des mathématiques, et particulièrement de la mécanique, dans laquelle le jeune Caron fit de rapides progrès. Il se distingua dans l’horlogerie par l’invention d’un nouvel échappement. Cette découverte, il est vrai, lui fut disputée ; mais l’Académie des Sciences, à l’arbitrage de laquelle le procès fut renvoyé, prononça en faveur de Beaumarchais.

Moins sensible à ce triomphe qu’à la tracasserie qui l’avait provoqué, il renonça à une profession dans laquelle son esprit se trouvait peut-être aussi trop à l’étroit, et se livra à l’étude des arts d’agrément, et particulièrement de la musique, qu’il aimait avec passion. Bientôt il fut connu par des compositions gracieuses qu’il exécutait avec une grande supériorité sur la harpe, dont il avait perfectionné le mécanisme, et devint sur cet instrument le rival des maîtres les plus habiles.

Mesdames Adélaïde, Sophie et Victoire, filles de Louis XV, voulurent recevoir de ses leçons. Non moins amusant par son esprit qu’agréable par ses talens, il leur plut à tel point qu’après l’avoir appelé à leurs concerts elles l’admirent dans leur société intime. Dès lors sa fortune fut certaine. C’était à qui le rechercherait. Paris-Duverney, banquier de la cour, se fit son ami, et l’intéressa dans des entreprises financières. A peine âgé de trente-cinq ans, Beaumarchais était déjà dans l’opulence. Cela ne suffisait pas à son ambition : il lui fallait de la gloire ; il en chercha dans la culture des lettres.

Doué d’une imagination vive et féconde, d’un esprit original et mordant, et de beaucoup de sensibilité, il se sentait appelé à travailler pour le théâtre, et fit représenter en 1767 le drame d’Eugénie. Ce premier ouvrage obtint un grand succès.