Page:Marty - Les principaux monuments funéraires.djvu/40

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Le Mariage de Figaro fut joué deux cents fois de suite. Il rapporta beaucoup aux comédiens, et beaucoup aussi aux pauvres mères nourrices, en faveur desquelles Beaumarchais disposa de sa part d’auteur.

Quelques désagrémens se mêlèrent au plaisir que lui causa tant de succès : les critiques, comme de raison, l’assaillirent. Plusieurs se présentèrent à visage découvert ; les autres se masquèrent pour le harceler. Beaumarchais, sans chercher à leur arracher le masque, traitant de la même manière des gens qui faisaient le même métier, blessa des personnages puissans dans une riposte qu’il avait cru n’adresser qu’à des journalistes. La vengeance qu’ils en tirèrent ne fut pas plus généreuse que leur attaque.

En 1787, Beaumarchais donna au théâtre de l’Académie royale de Musique l’opéra de Tarare. Cet ouvrage, aussi bizarrement conçu, obtint néanmoins du succès, mais qui ne s’est pas soutenu comme celui de ses autres ouvrages. En 1792, il donna la Mère coupable. Dans ce drame, qui est le complément des aventures de Figaro et de la famille du comte Almaviva, on prétend que Beaumarchais s’est vengé d’une calomnie en discours par une calomnie en action.

Depuis trois ans la révolution avait éclaté : on l’accusa d’avoir voulu armer le parti contre-révolutionnaire ; il fut enfermé à l’Abbaye. Il y aurait été égorgé le 2 septembre sans la générosité de Manuel, alors procureur de la commune de Paris.

Beaumarchais se réfugia en Angleterre, et échappa ainsi au décret d’accusation qui fut porté contre lui trois mois après sa fuite.

Le 28 juillet 1794, il revint en France, où il passa paisiblement les dernières années de sa vie, auprès de sa fille unique, dans la maison qu’il avait fait bâtir au boulevard Saint-Antoine. C’est dans cette retraite, ouverte à peu de personnes, que Beaumarchais, dégoûté de tout, termina sa longue et laborieuse existence.

Il fut frappé d’une apoplexie foudroyante dans la nuit du 18 au 19 mai 1799, et fut inhumé dans un tombeau que lui-même avait fait faire dans ce qu’il appelait son petit jardin.

Sa maison ayant été démolie, il fut arraché de sa tombe, et transporté au cimetière du Père-Lachaise, où il est délaissé même de sa famille. Avis aux hommes de lettres ! Appel aux comédiens français, auxquels il a légué ses trésors.