Page:Marx - Travail salarié et capital, 1931.djvu/133

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la valeur de son propre entretien. Mais comme il n’y avait pas de marché conclu entre lui et son maître, comme il n’y avait ni achat ni vente entre les deux parties, tout son travail avait l’air d’être cédé pour rien.

Prenons, d’autre part, le paysan serf tel qu’il existait, pourrions-nous dire, hier encore, dans toute l’Europe orientale. Ce paysan travaillait, par exemple, 3 jours pour lui-même sur son propre champ ou sur celui qui lui était alloué, et les 3 jours suivants il faisait du travail forcé et gratuit sur le domaine de son seigneur. Ici donc le travail payé et le travail non payé étaient visiblement séparés, séparés dans le temps et dans l’espace. Et nos libéraux étaient transportés d’indignation à l’idée absurde de faire travailler un homme pour rien.

En fait, pourtant, qu’un homme travaille 3 jours de la semaine pour lui-même sur son propre champ et 3 jours sur le domaine de son seigneur, ou bien qu’il travaille à la fabrique ou à l’atelier 6 heures par jour pour lui-même et 6 pour son patron, cela revient au même, bien que, dans ce dernier cas, les parties payées et non payées du travail soient inséparablement entremêlées, et que la nature de toute cette opération soit complètement masquée par l’intervention du contrat et par la paye effectuée à la fin de la semaine. Dans un cas, le travail non payé paraît être donné volontairement et dans l’autre arraché par la contrainte. C’est là toute la différence.

Lorsque j’emploierai, par la suite, l’expression « valeur du travail », je ne ferai que prendre la tournure populaire pour « valeur de la force de travail ».