Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, I.djvu/85

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travail une partie de ces ouvriers pour en former une classe de petits paysans toute nouvelle et essentiellement démocratique. Ce projet, dont l’auteur n’est autre que Feargus O’Connor lui-même, a obtenu un succès tel que la Société terrienne des chartistes compte déjà deux à trois mille membres, qu’elle dispose d’un fonds social de soixante mille livres sterling (un million et demi de francs), et que ses recettes annoncées dans le Northern Star dépassent 2.500 livres sterling par semaine. Enfin la société, dont je me propose de vous rendre plus tard un compte plus détaillé, a pris de telles dimensions qu’elle commence à inquiéter l’aristocratie territoriale. Car il est évident que ce mouvement, s’il continue à se propager dans la même proportion qu’il a suivie jusqu’à présent, finira par se transformer en agitation nationale pour la prise de possession du sol nationale par le peuple[1]. La bourgeoisie ne trouve pas non plus cette société de son goût. Elle y voit un levier mis dans les mains du peuple, qui lui permettra de s’émanciper sans avoir besoin de l’aide de la classe moyenne. C’est particulièrement la petite bourgeoisie, plus ou moins libérale, qui voit la Société terrienne d’un mauvais œil, parce que déjà elle trouve les chartistes beaucoup plus indépendants de son soutien qu’avant la fondation de l’association. De plus, ces mêmes radicaux, incapables de s’ex-

  1. Je trouve là l’idée familière à Engels, selon laquelle le chartisme « inévitablement doit se rapprocher du socialisme ».