Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/161

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Cette phraséologie bourgeoise ne doit pas faire de dupes. Elle ne définit que les conditions de la paix sous l’oppression bourgeoise et sous le gouvernement bourgeois. Il est trop aisé de les donner pour « nécessaires », afin d’inspirer à ceux qui en souffrent la résignation qui les rend gouvernables. Mais le seul fait que les sentiments de respect cèdent la place à des sentiments de révolte, qu’à la doctrine de la propriété, de la concurrence providentielle, de l’obéissance aveugle aux lois du privilège, se substituent des doctrines nouvelles, est déjà un symptôme d’effritement intérieur dans les assises du capitalisme.

Ce ne sont pas les idées qui changent le milieu social. Mais, quand elles changent, c’est « que le milieu social déjà a subi des changements latents ». Ce n’est pas le christianisme qui a vaincu la société antique. Que le christianisme triomphât, c’était seulement le signe qu’une obscure conscience de classe avait pénétré dans des multitudes réduites en esclavage. Elles glorifièrent leur humilité impuissante par l’espérance en un empereur des pauvres qui les émanciperait dans une autre vie. Quand vinrent les barbares, cette doctrine, loin de survivre dans sa pureté, dut s’adapter aux institutions sociales des nouveaux venus. On admit que Jésus, sur la terre, avait un représentant qui détenait son fief spirituel, et qui consacrait, par l’onction, le pouvoir temporel nouveau, l’empire germanique et les royautés féodales. Du christianisme vrai, les masses ne gardèrent