Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/175

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miettes de liberté[1] ; qu’il avait cure de « relations d’immédiateté » avec le roi, et qu’il saurait conquérir par la force ses libertés autant que sa situation matérielle.

Mais bien que le fond de cet aristocratisme socialiste ne se soit montré que trente ans plus tard, l’analyse qu’en fait ici le Manifeste est d’une exactitude prophétique. D’avance c’est le portrait de Bismarck qui est ici esquissé : c’est que la classe de ces hobereaux violents et dévots est connue de Marx et d’Engels à merveille. Ainsi, Bismarck, en 1847, prononçait des discours qui atteignaient au cœur l’industrialisme, parlait de « raser du sol les grandes villes », réclamait le retour aux corporations. En son privé cependant, il pratiquait comme un autre l’« âpre trafic des betteraves, de l’eau-de-vie », du papier. Il ne lui manquait, pour achever son socialisme féodal, que de « s’associer aux pires mesures de violence contre la classe ouvrière » (§ 57). Ce temps devait venir, quand il fut le maître.

Le Manifeste cependant ne désigne pas nominativement ce féodalisme allemand. Il ne se gausse expressément que « de quelques légitimistes français et de la jeune Angleterre » (§ 56). À coup sûr, ils ne prêtent pas à rire à un égal degré. Le mouvement a eu ses grotesques ; le duc de Valentinois fut risible avec son projet d’extirper la mendicité dans les villages. Mais, de Morogues, Huerne de Pommeuse,

  1. Mehring. Geschichte der deutschen Sozial-democratie, I, p. 196, 250, et l’appendice au Manifeste, p. 93.