Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/72

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qu’une guerre unique, ininterrompue ; et, dans son essence, une guerre des heureux, des possédants, des vainqueurs contre les malheureux, les déshérités, les opprimés. En Grèce, ces derniers se sont appelés des esclaves et des ilotes, à Rome des esclaves, au moyen-âge des serfs ; en Russie, ils se nomment des paysans, dans l’Amérique du Nord, des nègres ; dans le monde civilisé de l’Angleterre, de la France et de l’Allemagne, ils se nomment des prolétaires[1]. » L’histoire entière s’est faite au milieu de la servitude qui enchaînait les pauvres aux riches. Il s’agit à présent de savoir comment l’histoire se fera dans la liberté de tous, par l’abolition des classes.

Que faut-il garder de l’affirmation pieuse d’Engels qui revendique pour Marx « la propriété exclusive » de la théorie de la lutte des classes ? Il est difficile de la sauver. Elle est un peu contradictoire, puisque F. Engels, avec raison, se vante d’en avoir « approché » lui-même dans son livre sur les Classes laborieuses en Angleterre (1845). Le socialisme philosophique, combattu par lui dans le Deutsches Bürgerbuch (1845-46), aurait suffi à la lui enseigner. L’observation seule du monde ouvrier anglais lui ouvrait les yeux. Il avait pu discerner la dominations du privilège de la propriété » plus brutale, plus hypocrite qu’ailleurs dans la bourgeoisie d’Angleterre, au regard de qui « les

  1. V. David Koigen. Zur Vorgeschichte des modernen philosophischen Sozialismus in Deutschland. Berne, 1901, p. 210.