Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/73

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non possédants n’existent que pour être exploités par les possédants ». Et comme Babeuf, comme Blanqui, Engels en était arrivé à penser que « l’abîme entre les classes se faisant de plus en plus abrupt, la guerre des pauvres contre les riches éclaterait et serait la plus sanglante qui ait été jamais faite ».

Cela suffit pour que Marx ne soit ni le seul ni le premier à l’avoir dit.

3. Mais si l’histoire de toutes les époques est une lutte de classes, il s’en faut que cet antagonisme d’abord soit simple. Chacune des classes belligérantes est à son tour divisée par des luttes intestines. Le moyen-âge a eu côte à côte ses grands et petits vassaux, hostiles ensemble aux roturiers, mais ennemis entre eux ; ses maîtres et ses compagnons, qui s’entredéchiraient, malgré les guerres des villes contre les seigneurs ; ses serfs, exploités par tous leurs maîtres, nobles ou roturiers. Il y a eu « une hiérarchie de rangs sociaux multiples » (§ 2).

Mais cela encore Karl Grün notamment l’avait dit. Dans toutes les classes victorieuses, selon Grün, il y a encore des catégories opprimées ; et, parmi les vaincus, il y a encore des exploiteurs d’une multitude plus misérable qu’eux-mêmes. Il y a une organisation complexe des formes d’exploitation[1]. Le difficile serait seulement de savoir si Grün prête ici, ou s’il emprunte à Proudhon qui avait soutenu, en 1843, que la loi

  1. Karl Gruen. Ueber wahre Bildung, p. 22. V. Koigen, Zur Vorgeschichte des modernen philosophischen-Sozialismus, p. 210.