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Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/107

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Pourtant, tout à côté, l’angélique odorait, des bosquets de sureaux en fleurs opposaient aux ardeurs du soleil mille ombelles, parasols minuscules, des vignes drapaient les rochers de lourds festons et les fleurs offraient leurs corolles épanouies aux perfides baisers des colibris volages ! Pourtant, le chardonneret chantait à gorge déployée et le rouge-gorge piouitait en sautillant sous la feuillée !

Était-ce ce contraste qui faisait sangloter Alice ?

Car elle sanglotait, la pauvre enfant ! Longtemps, elle s’était contenue, longtemps elle avait souffert sans se plaindre, mais, à la fin, elle avait éclaté, incapable de réprimer ce flot de désespérance qui du cœur lui montait aux lèvres. Appuyée à l’épaule de son fiancée, elle pleurait éperdument. Elle avait présumé de ses forces, mais c’était moins la souffrance physique qui lui tirait ces pleurs que le mirage un instant entrevu du hameau natal, que l’expectative de ce bonheur dont son cœur était affamé. Elle sentait tout cela se dérober, lui échapper. Ces larmes qui coulaient c’était l’espérance qui se tarissait en elle. Elle pleurait leur rêve qui ne se réaliserait pas, car elle sentait qu’elle était à bout. La jeunesse et l’amour avaient jusque-là remonté son courage défaillant, mais maintenant, c’était fini, le ressort était brisé.

Lui aussi pleurait, il pleurait de rage, d’indignation, de révolte. Il se faisait violence pour ne pas donner cours au blasphème amer qu’il sentait sourdre à ses lèvres. Non, cela ne se pouvait pas, il avait toujours été bon patriote et bon chrétien et Dieu ne permettrait pas pareille injustice ; il avait tout souffert avec résignation et la Providence lui devait la compensation d’un peu de bonheur ici-bas.