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Le sentiment du devoir à accomplir opéra chez lui une salutaire révulsion. Cela eut l’effet de changer le cours de ses idées, de déplacer, pour ainsi dire, le siège de sa souffrance, de même que, en chirurgie, un abcès de fixation dérive les humeurs morbides. Autrement, sa raison aurait sombré dans l’abîme du désespoir, car les veilles et les privations, en débilitant ses forces, avaient anéanti son énergie morale.

Mais où inhumer le cadavre dans cette forêt au sol rocheux et sillonné de racines, sans autre outil, pour fossoyer, que ses mains. Cela exigerait un travail surhumain, interminable et, de plus, Robert tremblait que sa fiancée ne devînt la proie des fauves. Il fallait aussi choisir un endroit facile à reconnaître en vue de la translation projetée des restes mortels.

Alors Robert, dont les facultés étaient affinées par la surexcitation facile à comprendre qu’avaient déterminée en lui les événements récents, eut une inspiration à laquelle, après mûre réflexion, il décida de donner suite.

D’une éminence voisine, il avait aperçu, sur Mena’sen, une large crevasse qu’il jugea pouvoir contenir la dépouille mortelle. Il en vint donc à ce parti : Mena’sen serait le mausolée de sa fiancée en attendant un séjour plus chrétien. Ainsi, le lieu de la sépulture serait facilement reconnaissable en même temps qu’inaccessible aux fauves.

Sans plus tarder il se mit à l’œuvre, rassembla tout ce qui lui restait de courage pour accomplir sa tâche lugubre. Avec d’infinies précautions, comme si la jeune fille ne fut qu’endormie, il chargea le cadavre sur ses épaules et, résolument, s’engagea dans