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Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/26

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s’était loué à Maugras tout en se réservant une grande liberté d’allures.

C’était un homme d’une trentaine d’années, d’humeur nomade, trappeur, soldat, mais qui, entre ses fugues, ne manquait jamais de revenir au bercail, comme il disait. Bref, Maugras le considérait comme un frère et le traitait d’égal à égal.

Ce jour-là, Maugras et Vadnais battaient du frêne sous un abri de construction assez primitive, à quelque vingt arpents de la maison. Vêtus tous deux d’une culotte de bouracan et d’un simple veston de peau, ils martelaient à coups redoublés un corps de frêne d’un pied et demi de diamètre. Grands, forts, bien décuplés c’étaient deux superbes hommes et leurs biceps moites de sueurs maniaient avec apparente facilité les lourdes massues qui s’abattaient en cadence avec un bruit mat que scandaient leurs hans gutturaux.

De temps à autre, ils faisaient relâche pour respirer un brin et essuyer, d’un revers de bras, la sueur qui dégoulinait le long des tempes. Maugras alors passait à son beau-frère une torquette de tabac dans laquelle, à tour de rôle, tous deux mordaient à belles dents.

— Parmanda ! c’est du vrai Virginie, ça, Philippe ?

— Si fait, gros malin, tu as assez voyagé pour savoir que ces friandises-là ne poussent pas pour les seules badigoinces des Bastonais !

Un gros rire bruyant, un long jet de salive dorée, puis la cadence des massues reprenait de plus belle sur la bille de frêne dont le diamètre allait se rétrécissant à chaque lisière que Maugras en détachait à l’aide de son couteau à jambette.