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Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/9

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MENA’SEN


I


Nous vivons, tout le monde en convient, à une époque de vie intense, vertigineuse. Tout ou à peu près tout se fait aujourd’hui à la vapeur ou à l’électricité. L’aéroplane est en train de détrôner l’automobile qui, lui-même a supplanté la gracieuse calèche de nos pères. Cheval, charrue, etc., vont devenir, avant qu’il soit longtemps, des termes désuets usités seulement en style héroïque. Le cinéma a bel et bien remplacé le théâtre. La mode elle-même s’est mise de la partie et, pour peu que ça continue, on verra bientôt des électrices en pagne de crêpe de chine ou en tutus de marquisette potiner en espéranto par radiotéléphonie.

C’est le Progrès et, au vingtième siècle, le Progrès fait du soixante à l’heure. Tout le monde se hâte et les laudatores temporis acti n’osent pas trop ronchonner de crainte de passer pour vieux jeu. Ils ont, eux, ce travers d’autrefois d’être sensibles au ridicule. Comme toujours, on néglige l’expectative pour embrasser la réalité et c’est l’illusion qu’on étreint.

Le lecteur partage l’engouement universel, j’allais dire la manie. Il brûle les étapes et franchit à toute vitesse le circuit de ce qu’il appelle les banalités préliminaires. Il estime que la ligne droite est la voie la plus courte d’un point à un autre et que, conséquemment, c’est perdre son temps d’aller de l’auteur au lecteur… par quatre chemins. Avec lui, il faut, sans brelauder, passer au déluge. Tout le machinisme compliqué de la mise en scène, du dé-