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Page:Massé - Mena’sen, 1922.djvu/98

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barque du nautonier grec, le frêle canot d’écorce portait César et sa fortune.

Parfois, un bruit qu’exagérait leur imagination surexcitée par l’émotion qui les tenaillait leur donnait l’alarme, glaçait le sang dans leurs veines. C’étaient de continuelles alertes que provoquaient un renard qui glapit dans la forêt voisine, une chouette qui hulule, un rat musqué qui plonge ou même un doré qui gobe des éphémères.

Dieu merci, tout allait à merveille.

Bientôt, on distingua le mugissement de chutes : on approchait évidemment de l’endroit que les sauvages appelaient G8itsibog.[1]

Peu à peu, le courant devint de plus en plus rapide et Robert, exténué, dût obliquer vers la rive afin de procéder au portage. Comme on approchait de terre, le canot heurta une roche et se mit à faire eau. On put cependant aborder sans encombre.

Ce qui, à l’ordinaire, n’eut été qu’un simple incident sans conséquence, prenait, pour eux, les proportions d’une véritable catastrophe. Ils étaient comme des naufragés qu’une tempête a jetés sur la côte déserte de quelque contrée inconnue ou même hostile, sans vivres, sans boussole, n’ayant pour tout guide dans leur pérégrination que le fleuve, leur complice, qui, tout en s’attardant en d’incessantes digressions de ses méandres, les orientait vers la patrie.

Une lisière d’écorce de bouleau, un peu de gomme de pin et une demi-heure auraient suffi pour radouber l’embarcation. Robert avait tout cela sous la main excepté la précieuse demi-heure. Il

  1. « le grand échappement d’eau », endroit où est aujourd’hui située Drummondville.