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MES SOUVENIRS

maître était encore là, et, sur la table dont il se servait, se trouvaient l’encrier, la plume et le papier buvard encore imprégné des notes qu’il avait tracées. La chemise empesée, la dernière qu’il eût portée, était là, accrochée à la muraille, et l’on pouvait distinguer la forme du corps qu’elle dessinait !... Un détail qui me froisse et que la curiosité avide des étrangers peut seule expliquer, c’est que des morceaux de ce linge avaient été audacieusement coupés et emportés comme des reliques.

Verdi ! C’est toute l’Italie victorieuse, de Victor-Emmanuel II jusqu’à nos jours. Bellini, lui, c’est l’image de l’Italie malheureuse sous le joug d’autrefois !

Peu après la mort, en 1835, de Bellini, l’inoubliable auteur de la Somnanbula et de la Norma, Verdi, l’immortel créateur de tant de chefs-d’œuvre, entrait en scène et ne devait cesser de produire avec une rare fécondité ses merveilleux ouvrages, toujours au répertoire de tous les théâtres du monde.

Deux semaines environ avant la mort de Verdi, je trouvai à mon hôtel la carte de ce grand homme, avec ses affections et ses vœux.

Camille Bellaigue, dans une remarquable étude sur Verdi, consacre à ce maître admirable ces paroles aussi justes qu’elles sont belles.

« … Il mourut le 27 janvier 1901, dans sa quatre-vingt-huitième année. Avec lui la musique a perdu quelque chose de sa force, de sa lumière et de sa joie. À l’équilibre, au «concert» européen, il manque désormais une grande voix, une voix nécessaire. Une fleur éclatante est tombée de la couronne du génie