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MES SOUVENIRS
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exagéré. C’est divinement beau, comme l’œuvre immortelle du vieil Homère, qui a traversé les siècles.

Je connaissais cette légende pour l’avoir lue et relue, mais il me fallut ajouter, par la pensée, ce que les mots, les vers, les situations même, ne pouvaient expliquer assez clairement pour le public souvent distrait.

Mon travail, cette fois, fut acharné, opiniâtre, je luttais ; je rejetais, je reprenais. Enfin je terminai Bacchus, après y avoir consacré tant de jours, tant de mois !

La distribution que nous accorda la nouvelle direction de l’Opéra, MM. Messager et Broussan, fut celle-ci : Lucienne Bréval reparut dans la figure d’Ariane ; Lucy Arbell, en souvenir de son grand succès dans Perséphone, fut la reine Amahelly, amoureuse de Bacchus : Muratore, notre Thésée, devint en même temps Bacchus, et Gresse accepta le rôle du prêtre fanatique.

La nouvelle direction, encore peu affermie, voulut donner un cadre magnifique à notre ouvrage.

Comme autrefois, pour le Mage, on avait été cruel, je l’ai dit, pour notre excellent directeur Gailhard, dont c’était la dernière carte avant son départ de l’Opéra, — ce qui ne l’empêcha pas d’y revenir peu de temps après, encore plus aimé qu’avant, — de même, on fut dur pour Bacchus.

Au moment de Bacchus, le public, la presse étaient indécis sur la vraie valeur de la nouvelle direction.

Donner un ouvrage dans ces conditions était, pour la seconde fois, affronter un péril. Je m’en aperçus, mais trop tard, car l’ouvrage, malgré ses défauts, paraît-il, ne méritait pas cet excès d’indignité.