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MES DISCOURS

voici Louis d’Orléans, d’élégante allure, qui passe sur son destrier, galant, et Napoléon, vainqueur, dans sa grande redingote grise sur sa fine jument blanche, et tant d’autres écuyers de tout temps, — tout un carrousel ! C’est la lutte sauvage de l’ours contre l’homme du premier âge, ce sont les Chevaux marins, crinière au vent, et leurs amis les Dauphins, clowns de l’Océan, qui prennent leurs ébats dans les eaux paisibles de la Fontaine du Luxembourg, l’Éléphant pesant du Trocadéro, la trompe en bataille, et le faune étalé qui, du bout de ses baguettes malicieuses taquine de jeunes ours, le Rétiaire portant ses filets qui descend dans l’arène, le Saint Grégoire de Tours, le Centaure Térée avec l’enfant dans les bras, les Chiens courants si ardents dans leur poursuite et le Gorille enlevant une femme, chef-d’œuvre tragique où l’on ne sait quoi plus admirer ou de la puissante musculature de l’horrible bête ou de la grâce pâmée de la belle victime aux chairs souples et palpitantes ; c’est encore la Jeanne d’Arc si menue sur son gros cheval de labours, mais dont la foi rayonne et qui porte si fièrement l’étendard de France. C’est toute l’œuvre de Frémiet enfin qui sort resplendissante du néant de la pierre.

Ah ! cette pierre, qu’il l’a aimée et caressée ! Comme il a su la faire parler ! Aujourd’hui qu’il dort son dernier sommeil, encore tout entouré d’elle, elle s’attendrira sans doute, comme s’il était là toujours pour l’émouvoir, et trouvera, dans l’obscur tombeau, des pleurs humides pour son vieil adorateur.

Et je vous le disais tout à l’heure, messieurs, cette œuvre si abondante et si diverse fut enfantée dans la