Page:Maupassant - À propos du peuple, paru dans Le Gaulois, 19 novembre 1883.djvu/10

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jours dans l’ombre, un vaste bassin où puise cette pompe, où s’amassent tous les écoulements de la mine.

Les yeux enfin s’accoutument à l’ombre. Nous marchons, serrés derrière l’ingénieur ; car, si on se perdait dans les galeries, comment et quand en pourrait-on sortir ?

Nous marchons longtemps. Des moustiques nous bourdonnent aux oreilles, vivant on ne sait comment en ces profondeurs.

Aplatissons-nous contre la muraille. Voici un wagonnet de houille. Il est traîné par un cheval blanc qui va, d’un pas lent et résigné. Il passe. Une chaleur de vie, une odeur de fumier nous frappent : c’est l’écurie. Quinze bêtes sont là, condamnées à ces ténèbres depuis des années, et qui ne reverront plus le jour. Elles vivent dans ce trou, jusqu’à leur mort. Ont-elles, ces bêtes, le souvenir des plaines, du soleil et des brises ? Une image lointaine hante-t-elle leurs obscures intelligences ? Souffrent-elles du vague et constant regret du ciel clair ?

Parfois, quand l’une d’elles tombe malade, on la remonte une nuit, car la lumière du jour la rendrait aveugle. On la remonte et on la laisse libre, sur la