Page:Maupassant - L'art de gouverner, paru dans Le Gaulois, 1 novembre 1881.djvu/8

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Destin pourtant nous préserve de ses semblables). Outre que, sans emphase, il savait toujours trouver la phrase infailliblement entraînante, il possédait encore l’art d’interroger de telle sorte, qu’il vidait un homme en quelques minutes, extrayant de lui tout ce qu’il voulait, tout ce que l’autre savait, par des questions brusques, inattendues, singulièrement précises, qui désarticulaient le mauvais vouloir et perçaient les résistances.

Il fallait, pour lui tenir tête, une force d’âme presque surhumaine. Il était bien rare que, devant lui, on ne perdit point toute présence d’esprit. Un Normand justement eut cette chance de ne se point troubler en lui parlant. L’anecdote est presque inconnue. C’était un préfet de Rouen, esprit indépendant, bien qu’accompli, audacieux et railleur. Appelé à Paris avec tous ses collègues pour présenter ses compliments au roi de Rome qui venait de naître, il s’approcha, son tour venu, du berceau où bavachait l’enfant auguste, et, s’inclinant jusqu’à terre, il prononça ces paroles, au milieu du silence respectueux de l’armée des