Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/204

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mètres, a été complètement à sec cet été, après les quinze mois de sécheresse qu’a subis la Tunisie, ce qui ne s’était pas vu de mémoire d’homme. Mais, malgré son étendue considérable, en un seul jour il fut rempli à l’automne, car c’est en lui que se ramassent toutes les pluies tombées sur les montagnes du centre. La grande richesse future de ces campagnes tient à ceci, qu’au lieu d’être traversées par des rivières souvent vides, mais au cours précis et qui canalisent l’eau du ciel, comme l’Algérie, elles sont à peine parcourues par des ravines où le moindre barrage suffit pour arrêter les torrents. Or leur niveau étant partout le même, chaque averse tombée sur les monts lointains se répand sur la plaine entière, en fait, pendant plusieurs jours ou pendant plusieurs heures, un immense marécage, et y dépose, à chacune de ces inondations, une couche nouvelle de limon qui l’engraisse et la fertilise, comme une Égypte qui n’aurait point de Nil.

Nous arrivons maintenant en des landes illimitées, où se répand une lèpre intermittente, une petite plante grasse vert-de-grisâtre dont les chameaux sont très friands. Aussi aperçoit-on, pâturant à perte de vue, d’immenses troupeaux