Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/236

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où courent des chats noirs et où se dresse parfois le fantôme d’un être drapé en des étoffes pâles ou colorées. De place en place, un grand palmier passe la tête entre les maisons et étale le bouquet vert de ses branches au-dessus de leur blancheur unie.

Puis, quand la lune se fut levée, cela devint une écume d’argent roulant à la mer, un rêve prodigieux de poète réalisé, l’apparition invraisemblable d’une cité fantastique d’où montait une lueur au ciel.

Puis nous avons erré fort longtemps par les rues. La baie d’un café maure nous tente. Nous entrons. Il est plein d’hommes assis ou accroupis, soit par terre, soit sur les planches garnies de nattes, autour d’un conteur arabe. C’est un vieux, gras, à l’oeil malin, qui parle avec une mimique si drôle qu’elle suffirait à amuser. Il raconte une farce, l’histoire d’un imposteur qui voulut se faire passer pour marabout, mais que l’iman a dévoilé. Ses naïfs auditeurs sont ravis et suivent le récit avec une attention ardente, qu’interrompent seuls des éclats de rire. Puis nous nous remettons à marcher, ne pouvant, par cette nuit éblouissante, nous décider au sommeil.