Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/132

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de bois qu’on vend aux enfants dans les foires.

Le médecin, élevant la voix, disait :

Honoré, vous ne pouvez pas laisser votre mère toute seule dans cet état-là. Elle passera d’un moment à l’autre !

Et le paysan, désolé, répétait :

— Faut pourtant que j’rentre mon blé ; v’là trop longtemps qu’il est à terre. L’temps est bon, justement. Qué qu’t’en dis, ma mé ?

Et la vieille mourante, tenaillée encore par l’avarice normande, faisait « oui » de l’œil et du front, engageait son fils à rentrer son blé et à la laisser mourir toute seule.

Mais le médecin se fâcha et, tapant du pied :

— Vous n’êtes qu’une brute, entendez-vous, et je ne vous permettrai pas de faire ça, entendez-vous ! Et, si vous êtes forcé de rentrer votre blé aujourd’hui même, allez chercher la Rapet, parbleu ! et faites-lui garder votre mère. Je le veux, entendez-vous ! Et si vous ne m’obéissez pas, je vous laisserai crever comme un chien, quand vous serez malade à votre tour, entendez-vous ?

Le paysan, un grand maigre, aux gestes lents, torturé par l’indécision, par la peur du médecin et par l’amour féroce de l’épargne, hésitait, calculait, balbutiait :